Une boule d’énergie surgit sur la scène du Point Virgule. Elle rougeoie, pétille et claironne en même temps. Elle s’appelle Manon Lepomme, elle est belge et refuse d’aller chez le psy. Pourquoi y irait-elle d’ailleurs ? Le rire ne permet-il pas de tout surmonter, même les galères qui accostent toujours au même port ? Manon Lepomme a le rire bien ancré en elle, et c’est tant mieux, car elle a essuyé bien des tempêtes lorsqu’elle était professeure. Ça vous prépare à toutes les avaries l’Éducation nationale ! Abandonnant la salle de classe, Manon Lepomme a choisi un terrain de jeu plus ludique : la scène ! Bien lui en a pris. Elle se donne à mille pour cent et, visiblement, c’est l’éclate totale pour elle. “Non, je n’irai pas chez le psy !” est un one-woman-show survitaminé, qui redonne la pêche et l’envie de dévorer du merveilleux !
Manon Lepomme est un tantinet tête en l’air. Toute à sa joie de partir au Off d’Avignon cet été 2017 pour jouer son spectacle un mois, elle glisse sur son paillasson et décroche la palme de la malchance ! Qu’à cela ne tienne, Manon ira jouer en fauteuil roulant. Bien lui en a pris ! C’est un triomphe, la salle ne désemplit pas. On croit même le plâtre factice et on la trouve merveilleuse ! On ne peut mieux le dire, puisque le spectacle tourne autour d’un merveilleux. Vous savez, ce gâteau irrésistible au cœur de meringue et nappé de chocolat ! C’est que Manon Lepomme tourne littéralement autour, se défendant même d’en croquer l’idée et de s’en enivrer les papilles. Alors, elle parle ! Elle nous raconte ses trois ans de prof d’anglais, son chéri Benoît et sa radinerie, l’Alzheimer de ses chers grands-parents, et cette vie qu’elle s’imagine autre avec un inconnu croisé dans le bus. Manon soupire de dépit sous les ponts de Venise et d’amour fantasmé dans un bus bondé. Les reproches adressés à l’autre lui reviennent en boomerang, entre traits d’humour et d’esprit. Tout est décalage et enthousiasme, force et douceur. C’est l’éclate totale aussi pour ceux qui reçoivent ses confidences.
La scène est vraiment son élément de prédilection. Manon Lepomme rayonne et attendrit, son jeu est naturel et spontané. L’humour de l’esprit et gestuel forme un duo irrésistible qui ouvre grand les portes de la bonne humeur. Son one-woman-show, rodé au Off d’Avignon, s’émaille aussi d’improvisations qui créent un dialogue, et donc une complicité, avec le public qui l’interpelle sans façon, comme on le ferait avec une amie. Sa voix, parfois déraisonnablement perchée, connaît toutes les nuances du burlesque. Mais elle en use à dose homéopathique, car l’espace intimiste du Point Virgule incite à la retenue vocale. Lorsque Manon Lepomme sera moins à l’étroit scénique, je n’ose imaginer l’ampleur de son jeu. Si, plutôt, je l’imagine. Et j’ai hâte de la revoir dans une salle à sa taille de stentor, et en pleine possession de ses moyens physiques. Ce sera merveilleux !